Fédération Française de Génétique Humaine

Evaluation des besoins en Généticiens au niveau du territoire national 2010

La génétique est une discipline médicale transversale, dont l'exercice est essentiellement hospitalier. Elle s'adresse à des patients de tous âges atteints, ou à risque de développer ou de transmettre des pathologies très diverses.

La création du DES de Génétique a permis de reconnaître sa caractéristique de discipline mixte en offrant aux internes du DES de Génétique une triple formation clinique, cytogénétique et moléculaire.

Grâce à celle-ci

  • - Les généticiens orientés vers la clinique connaissent toutes les difficultés de réalisation et d'interprétation des analyses des caractéristiques des personnes. Ils sont capables de les interpréter et d'en connaître et expliquer les limites.
  • - Les généticiens orientés vers le laboratoire ont conscience de toute la dimension humaine des enquêtes génétiques, et de leurs implications médicales.

Ayant une formation de base analogue, même s'ils ont ensuite suivi une spécialisation les orientant vers la clinique ou le laboratoire, tous peuvent communiquer plus facilement, garder des liens forts entre clinique et laboratoire et faire progresser la recherche en gardant, pour certains, une activité mixte.

Néanmoins le manque d'interne du DES de génétique et la possibilité d'accéder à des compétences de cytogénétique et surtout de génétique moléculaire par le biais du DES de Biologie, puis de DESC, amène les laboratoires de génétique à recruter des praticiens (médecins et pharmaciens) ayant suivi cette seconde voie.

Dans ces conditions il est relativement difficile d'évaluer les besoins totaux en internes du DES de génétique (clinique, cytogénétique et génétique moléculaire). Ces besoins seront donc évalués d'abord pour la Génétique clinique

 

 

Besoins en généticiens cliniciens

Rappel des missions des Généticiens cliniciens

Les consultations dites de conseil génétique, sont, selon la définition de la DHOS des consultations longues et de haute technicité. Elles ont de multiples missions :

  • - Le diagnostic et l'annonce d'une éventuelle maladie génétique chez des patients de tous âges (enfants, adultes et fœtus). Cette activité s'exerce en consultation externe mais aussi au lit du malade et dans le cadre des Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic PréNatal (CPDPN) dont les généticiens font, selon la législation, partie du « noyau dur »
  • - La coordination du suivi des patients atteints de syndromes rares et mal connus, prise en charge par les généticiens, qui ont l'expertise syndromologique nécessaire à ce suivi (Centres de références maladies rares pour les anomalies du développement et syndromes malformatifs, pour les retards mentaux syndromiques ....)
  • - Le conseil génétique aux apparentés non malades, afin de les informer de la probabilité qu'ils ont de mettre au monde un enfant atteint (établissement de l'arbre généalogique, organisation et prescription en consultation des analyses cytogénétiques ou de génétique moléculaire nécessaires à l'étude familiale, rendu des résultats lors de consultations individuelles...)
  • - La prévention de la récurrence de ces affections héréditaires, lorsqu'elles sont « d'une particulière gravité et non curables » par l'organisation du diagnostic prénatal ou préimplantatoire, ou l'orientation vers un don de gamète, l'adoption ...
  • - La médecine dite « prédictive » : recherche chez une personne asymptomatique d'une anomalie génétique identifiée dans sa famille et responsable d'une prédisposition génétique au cancer (onco-génétique), de risque élevé d'affection cardiovasculaire (troubles du rythme, cardiomyopathie ... = cardio-génétique), ou neurologique, neuromusculaire ou neurodégénérative (neuro-génétique) ... Le but est de pouvoir : Soit rassurer les personnes qui n'ont pas hérité de l'anomalie génétique et leurs descendants et leur éviter les éventuelles mesures de prévention parfois coûteuses et souvent lourdes au plan psychologique ; Soit, si la personne se révèle porteuse de l'anomalie génétique familiale, mettre en place les mesures de prévention si elles existent. Cette activité est encadrée par la loi, la prescription des analyses des caractéristiques génétiques rentrant dans ce cadre devant être réalisée par un médecin appartenant à une équipe multidisciplinaire déclarée à l'Agence de la Biomédecine - ABM - (Article R.1131-4 du décret 2008-321 du 4 avril 2008)

 

Mode de fonctionnement des équipes de génétique clinique

Les médecins généticiens à orientation préférentielle clinique, exercent au sein d'équipes financées essentiellement par les MIGAC (consultations de génétique, centres maladies rares, oncogénétique)

Ils sont secondés par des conseillers en génétique (nouveau métier de niveau M2), qui ont pour rôle d'aider les médecins généticiens dans la préparation des dossiers, les contacts avec les patients et peuvent réaliser des consultations d'information génétique sous la responsabilité du médecin généticiens. Néanmoins, n'appartenant pas à une discipline médicale ils ne peuvent pas effectuer de prescription (y compris celles des analyses génétiques)

Font également souvent partie de ces équipes des psychologues et parfois des assistantes sociales, infirmières ...

 

Evaluation des besoins en généticiens cliniciens au regard de leurs missions

1) Malformations et handicaps mentaux :

La fréquence des malformations chez l'enfant est estimée à 1/30 naissances [Harper, practical genetic counseling, Butterweorth Heinemann ed. 1993]. Elle est bien sur plus élevée à la période foetale, puisque certaines de ces pathologies, soit seront létales in utero, soit conduiront à une interruption de grossesse pour raisons médicales. Ainsi, à l'échelle nationale (Natalité 2009 : 821 000 – Source : INSEE) sont donc concernés chaque année 24 630 nouveaux nés et au moins 10 000 foetus (28 292 dossiers ont été discutés en 2007 par l'ensemble des CPDPN du territoire – Source ABM, dont probablement au moins 30% pour syndromes malformatifs, selon l'activité du CPDPN Nord - Pas de Calais). En 2007, 6642 grossesses ont été interrompues en France pour raisons médicales dont 2789 en raison de malformations, 444 pour anomalie génique et 2546 pour anomalie chromosomique (Source ABM).

Les handicaps mentaux touchent un sujet sur 50 [Harper, practical genetic counseling, Butterweorth Heinemann ed. 1993], soit sur l'ensemble du territoire national (population 65 millions au 1 janvier 2010 – Source INSEE –) plus d'un million de sujets, et, chaque année, plus de 16 420 nouveaux cas.

Même si ces affections ne relèvent pas toutes d'une cause génétique, l'avis du généticien est souvent sollicité, pour l'aide au diagnostic, l'information relative au risque de récidive lors des futures grossesses, et l'organisation d'un éventuel diagnostic prénatal. Cet avis est souhaitable dans environ la moitié des cas. Si on considère qu'il n'est sollicité qu'une fois sur 4, on peut estimer les demandes d'avis pour syndromes malformatifs à environ 8 500 (plus de 6000 nouveaux-nés et 2 500 fœtus) et environ 5 000 pour retard mental, soit un total d'au moins 13 000 avis diagnostiques par an.

En sachant qu'un avis diagnostique pour une pathologie rare peut demander plusieurs jours de travail sur un seul dossier (organisation du bilan chez le patient et sa famille, recherche bibliographique...), qu'il s'agit souvent de pathologies graves, ayant un important retentissement psychologique familial imposant des consultations de longue durée, on peut estimer en moyenne le temps médical consacré à chaque cas à au moins 10 heures (2 à 3 consultations d'une heure et 8 heures de recherche). Soit pour l'ensemble national 130 000 heures (65 temps pleins hospitaliers).

A cette activité diagnostique, doit être ajoutée celle de la coordination du suivi de ces affections syndromiques souvent exceptionnelles pour lesquelles les généticiens cliniciens syndromologistes sont souvent les seuls à avoir une expertise. En se basant sur l'activité du centre de référence maladies rares Nord – Pas de Calais – Picardie pour les syndromes malformatifs, qui couvre une population d'environ 6.5 millions d'habitants (10% de la population nationale) et a effectué en 2008, plus de 1 800 consultations de suivi, on peut estimer à 18 000 les besoins à l'échelle nationale (soit 9 à 12 temps pleins hospitaliers, car ces consultations durent environ 1h30)

2) Maladies génétiques

Selon l'OMS 6 à 8% de la population Européenne est atteinte de maladies rares (dont l'incidence est, pour chacune, inférieure à une naissance sur 1 500), parmi lesquelles 80% sont génétiques. On peut donc estimer entre 3,9 et 5,2 millions le nombre de personnes atteintes d'une affection rare à caractère génétique dans notre pays. Ces pathologies devraient toutes justifier d'un conseil génétique, qui, pour un seul malade, concerne souvent plusieurs sujets ou couples "à risque" de sa famille. Elles peuvent aussi, lorsqu'elles surviennent à l'âge adulte, être l'objet d'une prise en charge génétique des personnes à risque de type "diagnostic prédictif".

Au total on peut estimer, en se basant sur la natalité nationale (ce qui sous-estime les chiffres) à environ 60 000 (52 260 à 65 680) le nombre de patients porteurs d'affections génétiques découvertes chaque année dans notre pays, auxquels il faut ajouter le nombre de sujets "à risque" de leurs familles justifiant une prise en charge génétique (enfants en cas de maladie autosomique dominante, frères et soeurs en cas de maladie récessive, soeurs, tantes, cousines en cas de maladie récessive liée à l'X) qui peut être estimé à au moins 3. En supposant que l'avis du généticien n'est sollicité que dans la moitié des cas, et sachant que la prise en charge de l'information génétique nécessite au moins deux consultations de 30 à 45 mn par patient (réalisation de l'arbre généalogique, explications et prescription de l'analyse génétique lors de la 1ère, rendu et explication des résultats lors de la 2nde), on estime les besoins à 240 000 consultations par an (180 000 heures) dont un tiers peuvent être éventuellement effectuées par un conseiller en génétique. Soit 120 000 heures de temps médical (60 temps pleins hospitaliers)

 

Les besoins de Génétique Clinique peuvent donc être estimés pour l'ensemble du territoire national à environ 135 temps pleins hospitaliers en considérant qu'un médecin Temps plein (TP) travaille 2000 heures par an. Sachant que

1) Ces chiffres ont été calculés en considérant que l'avis du généticien clinicien ne serait sollicité que pour 25% des sujets malformés et 50% des patients atteints de maladies génétiques rares, soit une sous-estimation certaine des besoins actuels.

2) Les progrès des connaissances et des techniques vont amener à une augmentation des besoins dans les années à venir notamment en médecine prédictive